Jusqu’à présent, la jurisprudence de la Cour de cassation était simple à appliquer. Le temps de trajet entre le domicile et le lieu de travail habituel d’un collaborateur n’était pas considéré comme du temps de travail effectif, et, à ce titre, ne pouvait donc être rémunéré. Seule exception : si le collaborateur était envoyé en déplacement sur un site plus éloigné que son lieu de travail habituel, ce surplus de temps devait être compensé, soit en repos soit en paiement. En pratique, de nombreuses entreprises mettent en place un forfait lorsque leurs salariés sont en déplacement, pour répondre à cette obligation. Pour mémoire, je ne parle pas ici des trajets entre le lieu de travail et un autre site de l’entreprise, ou entre le lieu de travail et un client, fournisseur ou autre prestataire, qui, eux, constituent du temps de travail effectif sans le moindre doute.

Pourtant, dans un arrêt récent du 23 novembre 2022, la Cour de cassation vient d’infléchir légèrement sa position, et ce pour s’aligner sur la jurisprudence européenne.

Dans l’affaire en question, un commercial itinérant utilisant sa voiture de service pour se déplacer de client en client, demandait à son employeur le paiement d’heures supplémentaires au titre de certains de ses trajets. En effet, il estimait commencer son travail, via des conversations téléphoniques avec son kit main libre en voiture, dès le départ de son domicile le matin, et jusqu’à son retour le soir. Précisons que ce collaborateur n’était pas libre de décider quel client il visitait, sa tournée étant planifiée par son employeur, ce qui a de l’importance dans la décision.

Venant expliciter et dans le même temps infléchir sa position antérieure, la Cour de cassation note ici que, pendant les temps de trajet entre son domicile et ses premier et dernier clients, le salarié devait se tenir à la disposition de l’employeur et se conformer à ses directives, sans pouvoir vaquer à ses occupations personnelles.

Une nouvelle hypothèse est donc à prendre en considération désormais pour savoir si l’on doit payer les heures de trajet comme temps de travail (ce qui peut vite faire grimper le compteur d’heures) ou bien si la compensation habituelle (en repos ou financière) suffit. Si un collaborateur itinérant et utilisant les biens de l’entreprise (véhicule et téléphone notamment) est contraint par un parcours prédéterminé, avec des heures de début et de fin précises, alors sa journée de travail débutera dès son départ le matin et se terminera à son retour chez lui le soir.

Il ne sert à rien de se ruer vers un forfait en jours pour ces collaborateurs, ou de penser qu’on est à l’abri parce que nos itinérants sont au forfait jours. Mieux vaut revoir les plannings des commerciaux, ou encore mettre en place un forfait hebdomadaire en heures, bien plus sécurisé juridiquement et adapté à ce type de situation.

Bonne fin de semaine !

Cosette