Le Gouvernement a annoncé le report (de nouveau) de sa prochaine réforme des retraites, qui devrait être discutée à partir du 10 janvier 2023. Discutée, mais a priori peu négociée car les grands principes (et l’essence même de la réforme) ont d’ores et déjà été décidés par l’exécutif : le report de l’âge légal de départ (64 ou 65 ans), pas de hausse d’impôts, pas de baisse des pensions.

Si le premier de ces principes focalise l’attention depuis le début – il signifie travailler 3 ans de plus qu’actuellement, ce qui est loin d’être anodin, c’est sur le dernier point que je voudrais m’attarder aujourd’hui, car la presse grand public en parle peu alors que de nombreux économistes y voient la solution économique et sociale la plus adaptée à la situation du pays.

En effet, lorsqu’on regarde les différentes réformes des retraites ayant eu lieu depuis 30 ans, on a reculé l’âge de départ en retraite, souvent, et augmenté, voire crée, de nouveaux impôts (la « temporaire » CSG/CRDS), mais on a très peu utilisé le levier de la baisse des pensions des retraités.

Est-ce bien normal de gagner autant à la retraite ?

Or, parmi tous les pays de l’OCDE, la France est le 2ème pays dans lequel les retraités ont un meilleur niveau de vie que les actifs (après l’Italie, pays en crise économique et démographique, ne l’oublions pas). C’est à dire que lorsqu’on compare les pensions de retraite effectivement versées + les autres revenus des retraités (notamment venant d’actions ou de biens immobiliers) avec les salaires des actifs + les autres revenus de ces derniers, les retraités gagnent 1.6 fois plus que les actifs. Alors, oui, l’INSEE intègre les inactifs (chômeurs ou personnes en congés de longue durée) dans ces études comparatives, ce qui vient baisser légèrement le niveau de vie des actifs. Pourtant, dans son enquête Revenus fiscaux et sociaux de 2019, l’INSEE concluait que le niveau de vie médian des retraités vivant en France métropolitaine était 3.3% supérieur au niveau de vie médian de l’ensemble de la population (1 900 € par mois versus 1 840 €).

Source : Etude DREES Etude La retraite et les retraités 2022

Or, dans ces études, on laisse de côté le fait que les actifs et inactifs ont des enfants à charge qui viennent grever leur niveau de vie et, surtout, que les retraités, pour une immense partie d’entre eux, sont propriétaires de leur logement principal. En réintégrant l’absence de loyer dans leur niveau de vie, les retraités ont un niveau de vie supérieur de 9.5 points au reste de la population.

Le rythme du travail en question

La retraite par répartition à la française a été négociée et votée pour que chacun, quelle que soit sa condition à la naissance, puisse bénéficier d’un revenu de subsistance une fois l’âge du repos arrivé. On a pris en compte au fil des années la pénibilité de certains postes (et encore…) et la situation de ceux qui ont commencé à travailler durant leur adolescence, mais on considère aujourd’hui que tout le monde ou presque pourra travailler jusqu’à 65 ans… Or, c’est loin d’être le cas, et ce en dépit des progrès de la médecine.

Quoiqu’en disent les détracteurs qui, pour la plupart, n’ont jamais mis les pieds en entreprise, les Français travaillent beaucoup et surtout de manière bien plus décousue qu’avant. La charge mentale des postes de bureau n’est pas du tout reconnue, les ouvriers sont joignables en dehors de leurs heures de travail, les cadres sont surmenés et beaucoup de collaborateurs continuent à travailler en dehors de leurs horaires habituels et hors de leur lieu de travail. Sans parler des managers qui sont les moutons à cinq pattes du monde du travail.

En 2023, on ne travaille plus comme en 1990, nos politiques doivent en prendre conscience et changer leur manière de voir les choses. Les nouvelles technologies ont complètement chamboulé notre rapport au travail, offrant une flexibilité et une souplesse bienvenues mais aussi une pression et une hyper-connexion que nos aînés n’ont pas subie, et dont les effets à long terme sont encore loin d’être connus.

La période de retraite est faite pour profiter des dernières années de sa vie en ayant un rythme moins soutenu. Elle n’est pas faite pour s’enrichir. Or, quand nos retraités continuent à bénéficier de revenus aussi importants, et surtout supérieurs aux revenus des actifs, cela veut dire qu’ils s’enrichissent au détriment du reste de la population. Pas question bien entendu de baisser les plus petites retraites, par exemple celles qui sont inférieures au SMIC. Mais a-t-on vraiment besoin de gagner 3 500 €, voire plus, lorsqu’on est à la retraite, qu’on s’est constitué un patrimoine immobilier et qu’on n’a plus d’enfants à charge ? Est-ce parce que les votants sont en grande majorité des retraités ou des presque retraités ? J’encourage tous les jeunes à voter aux élections politiques dès leurs 18 ans, car c’est leur avenir qui est décidé par les politiques, et la retraite est l’affaire de tous.

Source : Etude INSEE Niveau de vie – 2019

Quelles solutions alors ?

Le report automatique et pour tous de l’âge légal, s’il est voté, risque fort d’être contreproductif pour le gouvernement. Non seulement tous les syndicats y sont opposés (les 8 centrales ont publié un communiqué commun, ce qui est rare), ainsi que la grande majorité de la population, ce qui laisse à craindre un premier trimestre 2023 difficile socialement. Mais, en plus, les études montrent que le recul de l’âge de départ n’a fait qu’augmenter le chômage des plus de 55 ans.

Nous ne sommes pas tous égaux face aux événements de la vie (maladies, grossesses, drames, …) qui viennent impacter notre rapport à la vie. Chacun devrait donc pouvoir partir quand il le souhaite, avec un plancher à 60 ans. Et plus on part tard, plus notre pension devrait être élevée. Mais les pensions devraient être aussi encadrées, avec un plancher (qui pourrait être équivalent au SMIC) et un plafond. Ce qui signifie baisser les pensions les plus importantes des actuels retraités pour sauvegarder notre futur niveau de retraite et plus encore la retraite de nos enfants.

N’oublions pas que nous parlons uniquement ici des pensions de retraite du régime de répartition, et non des autres revenus des retraités. D’où la pertinence d’avoir en plus des PERCOL ou d’autres systèmes de retraite supplémentaire négociés en entreprise pour les collaborateurs…

Bonne semaine

Cosette